Sur la paix et la violence en Colombie
Politique colombienne

Sur la paix et la violence en Colombie

Sur la violence et la paix en Colombie…

Hemos aprendido una historia jalonada de acontecimientos bélicos,
con el fragor de las armas como única banda sonora.
-Andrés Soriano Díaz

J’imagine que ce blog sera un peu différent des autres. Je pense qu’il s’adresse surtout à mes ami(e)s, aux membres de ma famille, et surtout (j’espère) à tous les Québécois qui auront l’opportunité de me lire (et j’espère, avec une grande ouverture d’esprit). Je pense qu’il répondra sans doute à la question « Et puis, la Colombie? », que beaucoup d’entre vous m’ont posée. Je pense aussi qu’il sera moins académique, plus sensible, et peut-être plus vrai et terre-à-terre.

Je pense bien que de tous ceux à qui j’ai dit « je vais vivre en Colombie », la plupart ont réagi avec un grand « t’es folle ou quoi? ». Certains autres, plus subtiles m’ont plutôt demandé si j’avais peur. Quelques-uns seulement (sans doute parce qu’ils me connaissent davantage) m’ont dit que tout allait bien se passer pour moi « là-bas ». Je comprends. N’allez pas penser que je n’ai pas de peurs, ou que je trouvais déphaser les commentaires. Non. Je suis tout à fait consciente que je venais dans un pays qui traverse un conflit armé depuis plus de 60 ans. Je suis consciente des différences entre la Canada et la Colombie (bien que souvent exagérées). Je suis aussi consciente de l’impact des média de communication, des discours de « terrorisme » qui plane sur la Colombie, et je suis consciente que beaucoup ont la vision qu’ils ont de la Colombie pour une série de préjugés, stéréotypes et certaines images figées dans le temps (comme Escobar). L’objectif de ce blog est de changer (ou, au moins, questionner) ces perceptions dans votre imaginaire, à partir de mon histoire, de mes perceptions et de mon espoir pour la Colombie.

Je suis arrivée en Colombie il y a trois mois, je vis maintenant dans une petite ville super charmante et très paisible, Bucaramanga. Mon expérience jusqu’à maintenant a été très, très positive. J’ai obtenu mon visa de travail rapidement, j’ai découvert plusieurs départements du pays, j’ai rencontré des gens merveilleux, et j’ai commencé à travailler pour notre propre organisation non-gouvernementale, la Corporación Descontamina[1]. Et je peux vous dire, très franchement, que la Colombie est un des pays les plus amicaux que j’ai visités. Les gens sont extrêmement sympathiques et très vaillants, le service à la clientèle impeccable, la musique et la joie de vivre est présente littéralement partout. En somme, la Colombie m’a très bien reçu et je me sens bien partout où je vais.

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Antioquia

Contrairement à ce que la plupart s’imagine, je peux prendre un taxi seule, marcher dans la rue seule, aller à l’épicerie seule. Je ne me fais pas siffler ni crier des noms sexy tous les deux minutes quand je me promène dans la ville. Je n’ai pas peur de me faire voler, je n’ai pas eu de problème sécuritaire jusqu’à maintenant. Effectivement, il y a, comme dans toutes les grandes villes, des endroits moins recommandés, surtout la nuit. Bogotá présente des quartiers un peu moins sécuritaires, et d’autres tellement sécurisés. Il faut donc, j’imagine, apprendre à relativiser. Non, la Colombie ce n’est pas juste le trafic de stupéfiants et les FARC. Oui, c’est un gros problème. Mais non, la Colombie ce n’est pas juste ça, et j’espère que ce blog vous poussera à vous questionner davantage sur les schèmes déjà dessinés d’avance, sur les conclusions faciles et les préjugés plus souvent qu’autrement, faux.

Sur la violence…

Maintenant, oui, il y a beaucoup à dire sur la violence en Colombie. Malheureusement, la Colombie a fait son chemin dans la violence durant les soixante dernières années. Durant tout le travail de terrain que j’ai réalisé dans 5 départements du pays, je me suis rendue compte que, en fait, les gens avaient développé une résilience incroyable à la violence. Même si j’ai été touché par la tristesse qui habite chacune des victimes du conflit, j’ai surtout été marquée par la capacité des Colombiens à affronter leurs problèmes en gardant un immense positivisme, cherchant toujours à faire une blague… J’ai vu tellement de nécessités, et la plus grande selon moi, est la nécessité pour eux de se faire écouter; même s’ils ont plusieurs besoins primaires non satisfaits, pouvoir parler et écouter m’a semblé être quelque chose de si important pour eux.

Mais avoir à vivre avec la violence au quotidien a ses limites. C’est aussi pour cela que j’ai décidé d’écrire ce blog. Parlant depuis une position québécoise, je sais que c’est ‘normal’, ‘commun’ et plus ‘facile’ de ne pas trop s’intéresser à ce qui se passe dans le monde, un peu parce qu’on doit l’avouer, on est très bien au Québec malgré certains désavantages. Et c’est ça la vie, vivre bien. Mais je pense qu’on doit repenser notre humanisme et, au moins, commencer à s’intéresser à ce qui se passe vraiment dans le monde, et souvent, ça nous aiderait à régler certains problèmes sociaux que nous avons (car oui, nous en avons).

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Antioquia

Mon travail de terrain m’a permis de voir plusieurs visages de la violence; la violence légale, la violence culturelle, la violence physique… Physique et culturelle car j’ai vu plusieurs victimes qui ont perdu des membres de leur familles, qui ont eu même perdu des parties de leurs corps, des femmes qui ont été abusées, discriminées par la société qui a développé une culture machiste, des enfants qui doivent vivre avec la présence militaire et de la guérilla tous les jours. Mais je me suis aussi rendu compte qu’en réalité, la Colombie est un pays où presque toutes les lois ont été inventées en matière d’aide aux victimes, en matière de restitution des terres, en matière de démobilisation des paramilitaires… Le problème est l’application de ses lois, qui continue d’avoir de grandes failles. Mais elles sont là. Elles ont seulement besoin d’un appui massif de la population. Et de chez vous, vous pouvez commencer à faire une différence en lisant et en vous informant sur le sujet; sur celui-ci et bien d’autres…

Sur la paix…

Il y a aussi beaucoup à dire sur la paix. Comme vous le savez sans doute, la Colombie travers un moment historique très important : le gouvernement a entrepris des négociations avec le principal groupe armé (FARC) pour mettre fin au conflit armé. Pour le moment, les acteurs se sont entendus sur la distribution des terres, le développement rural et la participation politique. Les prochains points à l’agenda sont le trafic de drogue, les victimes et la fin du conflit armé.

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Zapatoca – Santander

Évidemment, le tout n’est pas gagné d’avance… Les défis qui attendent la Colombie sont multiples et complexe, et l’établissement d’une paix durable et positive passera sans doute par l’éducation pour la paix, la participation de la société civile aux processus démocratique et probablement un vaste changement au niveau culturel afin d’atteindre l’égalité des genres en autres.

Finalement, j’espère que mon blog aura eu pour effet de vous convaincre de venir me visiter… et surtout qu’il aura eu pour effet de changer vos perceptions de ce pays. Pour cette raison, j’ai décidé vous laisser sur quelques clichés pris durant mon travail de terrain sur les mines antipersonnel.


[1] La page web de la Corporación Descontamina n’est malheureusement plus disponible.

2 thoughts on “Sur la paix et la violence en Colombie

  1. Stephanie

    11 décembre 2013

    Tellement intéressant! Est-ce que le FARC forme un parti politique ou en appuie-t-il un? J’imagine que certaines parties du territoire sont contrôlés par le FARC.

    J’ai très peu étudié l’Amérique du Sud, excuse ma question ignorante mais quelle est la position de la Colombie quant aux relations internationales, sur quoi est basée sa politique étrangère?

    • 31 janvier 2014

      Oui, en fait, le but des processus de paix de la Habana, c’est d’intégrer les FARC à la politique, pour que la violence cesse, leur offrir un espace de dialogue… Et oui, malheureusement, certaines parties du territoires sont contrôlées par les FARC, et il existe d’autres groupes de guérilla et toujours des paramilitaires non démobilisés…

      Pour l’instant, je pense que la Colombie essaie de redorer son image internationale… surtout au point de vue des dialogues de paix (enfin ils ont reconnu qu’il y a un conflit armé interne), au point de vue du tourisme (le slogan est « el riesgo es que te quieras quedar »), pour limiter la vision négative du payx, et puis je pense aussi que la Colombie essaie de se positionner au plan de la justice transitionnelle. Autrement, elle reste un peu les mains liées à cause de la corruption: les compagnies étrangères continuent d’exploter son sol très riche en minéraux… au détriment des autochtones et paysans…

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